Conférence « Prise en charge du vitiligo en 2021 et perspectives » (Pr Passeron)
A l’occasion du passage du Tour de France du Vitiligo au CHU de Nice le 16 juin 2021, le Professeur Thierry Passeron, Dermatologue au CHU de Nice, a présenté sa conférence « Prise en charge du vitiligo en 2021 et perspectives ». Lisez ce compte-rendu, rédigé par nos soins.
Photo : Pr Thierry Passeron, 16 juin 2021 à l’Hôpital L’archet (Nice)
Un moment clé pour le vitiligo
Tout d’abord, le Professeur Passeron remercie l’Association Française du Vitiligo pour cette initiative et rappelle combien il est important de faire connaître le vitiligo et sensibiliser largement à cette maladie.
Il souligne, dans un premier temps, combien il lui est difficile d’entendre les propos tenus encore aujourd’hui par certains médecins généralistes ou même dermatologues « il n’y a rien à faire pour le vitiligo », propos qui lui sont rapportés par certains de ses patients (et aussi entendus régulièrement par les bénévoles de la permanence de l’Association Française du Vitiligo).
Non, le vitiligo n’est pas une maladie esthétique. Non, le vitiligo n’est pas anodin.
« Nous sommes actuellement dans un moment clé et connaissons mieux aujourd’hui les mécanismes du vitiligo », précise-t-il, ajoutant que dans les très proches années, un traitement pourrait être remboursé par la Sécurité Sociale. Le travail de persuasion auprès des autorités de santé et des médecins doit être sans relâche, et l’Association Française du Vitiligo a là aussi un rôle à jouer.
Rappelons également que le risque de cancer cutané est moins grand chez les malades du vitiligo.
Le vitiligo et son traitement
Le Professeur Passeron présente ensuite les aspects cliniques du vitiligo et l’intérêt de l’examen à la lumière de wood pour un bon diagnostic.
Rappelons les 3 étapes importantes dans le traitement :
- stopper la dépigmentation
- stimuler la repigmentation (6 à 24 mois)
- prévenir les récidives
Pour la repigmentation, plus facile sur le visage, moins sur les pieds et mains, le Tacrolimus 0,1% associé au soleil ou à la photothérapie (cabines UVB, lampes à domicile), reste le meilleur remède, bien que toujours hors AMM et non remboursable. Des traitements chirurgicaux peuvent être envisagés dans le cas de vitiligo stable ou après un échec médical dans le vitiligo segmentaire. En ce qui concerne les pieds et les mains, zones plus difficiles à repigmenter, une étude spécifique est en cours.
Enfin, le maquillage (cosmétique, auto-bronzant) peut être une alternative, mais attention : le tatouage de dermopigmentation est à réserver uniquement sur les lèvres et les mamelons.
Des perspectives encourageantes
Pr Passeron souligne encore une fois, comme le démontre également une étude réalisée par le Pr Seneschal (CHU Bordeaux), l’importance de traiter rapidement (quelques mois après l’apparition des zones dépigmentées) afin d’assurer un taux de succès significatif… en particulier dans le cas d’un vitiligo très actif (phénomène de Koebner, bords flous et dépigmentation en « confettis »).
De bonnes nouvelles sont attendues pour les traitements en développement :
- Ruxolitinib topique, probablement le premier traitement qui pourrait être remboursé, efficace sur le visage, un peu moins sur le corps, bonne tolérance, étude en phase 2 terminée, phase 3 en cours
- Inhibiteurs JAK
- SOD gastro-protégée, en complément de la photothérapie dans le vitiligo, augmente le pourcentage de repigmentation
De nombreux essais thérapeutiques en cours ou à venir :
- ERASE VITILIGO (Early Repigmentation Approach for Stopping the Evolution of Vitiligo), traitement dès l’apparition de nouvelles zones dépigmentées sur personnes de 18 à 35 ans
- Ruxolinitinib topique en phase 3
- Baracitinib par voie orale pour les formes actives
- Upadacitinib par voie orale pour formes diffuses, actives ou pas
Après une série de questions-réponses avec le public, le Professeur Passeron rappelle qu’à ce jour, les chercheurs travaillent ensemble au niveau international, échangent leurs données, permettant ainsi des avancées significatives.
Un bémol cependant : le manque de dermatologues en France, plus ou moins criant selon les régions, constaté aussi par les équipes de l’Association Française du Vitiligo lors du Tour de France du Vitiligo.
Bien que conscient des difficultés existantes, le Professeur Passeron a su aussi se montrer rassurant et plutôt optimiste quant aux traitements à venir, donnant ainsi beaucoup d’espoir aux malades.