Une grande enquête internationale nommée « ALL » (ALL Colors, ALL skins, ALL Dermatoses), menée par les laboratoires Pierre Fabre de janvier à avril 2023, a permis de récolter plus de 3 millions de données sur les maladies de peau. Cela en fait la plus grande base de données privée de données internationales ! Elle permet aujourd’hui d’établir un état des lieux de la prévalence des maladies, mais aussi leurs impacts et les besoins des patients. Nous vous partageons ici les enseignements principaux publiés récemment…
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Les malades injustement sous-représentés en santé publique
Plus d’1 personne sur 3 souffre d’une maladie de peau, et la dermatologie est la spécialité de médecine qui adresse le plus grand nombre de patients aujourd’hui. Pourtant, les malades souffrant d’une maladie cutanée ne sont pas une priorité de santé publique (si on observe la place des dermatoses dans les programmes de prévention) !
Les résultats qui viennent d’être publiés sont déjà alarmants, sur la population ayant participé à l’enquête :
- 41% déclarent souffrir d’une maladie de peau
- 60% rapportent des sensations d’inconfort
- 44% disent souffrir de démangeaisons (et 11% ressentent des douleurs cutanées).
L’étude a été effectuée grâce à la participation de plus de 50 000 personnes (51% de femmes et 49% d’hommes), sur les 5 continents (20 pays au total), dont 4 000 pour la France : des échantillons représentatifs et extrapolables de la population générale de 16 ans et plus.
Vivre avec une maladie de peau au quotidien
L’enquête a été menée en partenariat avec des associations de patients (dont l’Association Française du Vitiligo) et centrée sur l’expérience du malade, pour mieux comprendre le vécu des patients et soutenir leur plaidoyer.
Vivre avec une maladie de peau peut avoir un impact significatif sur la vie quotidienne et le bien-être en général. Les malades présentent souvent des symptômes physiques et émotionnels qui peuvent provoquer de l’inconfort, de la douleur, de l’embarras… Et tout cela peut bien sûr diminuer de la « qualité de vie ». Il est donc primordial de comprendre l’expérience du patient lorsqu’il s’agit de traiter des maladies de peau.

L’enquête révèle que :
- 42% considèrent que leur maladie est une gêne au quotidien, et 38% une gêne au travail
- 34% se sentent découragés
- 27% déclarent que leur maladie affecte leur vie sexuelle
- 41% ont des difficultés à dormir
- 20% se sentent rejetés par les autres
- 19% ont la sensation d’être regardé avec dégoût par les autres…
Pour vivre avec une maladie cutanée telle que le vitiligo, acné, eczéma, psoriasis… les malades de peau peuvent avoir tendance à éviter les situations sociales ou porter des vêtements spécifiques pour couvrir les zones touchées. Comprendre ces besoins et ces comportements est crucial pour fournir des soins et un soutien efficaces aux patients atteints de maladies de peau. Cette étude est donc une source d’informations précieuse, afin de générer une prise de conscience des autorités publiques !
En partant de ces constats, les laboratoires Pierre Fabre, et leur département dédié aux relations patients et consommateurs, ont publié un site d’informations et de partage autour des maladies visibles de la peau (que l’on a relayé récemment sur notre site) que vous pouvez visiter et partager : Changer de regard.

L’Association Franco-Congolaise du Vitiligo (AFCV), qui a vu le jour en décembre 2021 avec le soutien et le parrainage de l’AFV, est très active depuis. Elle a récemment initié une formation très importante destinée aux médecins (dermatologues, anatomopathologistes, infirmiers…) du Haut-Katanga (province de la République Démocratique du Congo) spécifiquement au sujet du vitiligo.
Un grand intérêt des médecins à propos du vitiligo
Julien Seneschal, Professeur de Dermatologie au CHU de Bordeaux et membre de notre Comité Scientifique, avait déjà consacré une première session de 2 heures de formation il y a quelques mois. Depuis, la demande s’est élargie avec le soutien du ministère de la santé de la R. D. du Congo.
Martine Carré, Présidente de l’AFV, a fait l’intermédiaire entre lui et Madame Huguette Kalenga Fabiola, Présidente de l’AFCV, et a organisé la logistique de cette formation. Ensemble, ils ont défini les attentes des médecins et Huguette est parvenue à diffuser l’information une très largement, puisque la formation a été suivie par total de 435 participants !
Le public était composé des autorités du Ministère de la santé provincial du Haut-Katanga (le Secrétaire général et quelques membres du cabinet du ministre), ainsi que de dermatologues, biologistes, anapathes, infirmiers et médecins généralistes.

Des informations scientifiques et vérifiées sur le vitiligo
Cette formation a permis de mieux appréhender les argumentaires scientifiques concernant la physiopathologie du vitiligo, afin de mieux contrer les croyances et certaines idées qui tentent d’assimiler la dépigmentation due au vitiligo à une faute, un péché ou une malédiction. Le Pr Seneschal, en tant qu’expert du vitiligo, chercheur et dermatologue dans l’un des centres de référence en France, a donc pu expliquer : ce qu’est le vitiligo, son étiologie, les mécanismes à l’origine de la maladie, comment faire un diagnostic, les traitements et les impacts de cette maladie affichante et stigmatisante. Il a évoqué les progrès et les dernières avancées scientifiques pour de nouveaux traitements.
Selon la Présidente de l’AFCV (photo ci-contre), la formation a répondu aux attentes de tous les cliniciens. Des échanges intéressants ont aussi eu lieu à la suite de la formation au sujet de la prise en charge des personnes atteintes du vitiligo. En R. D. Congo, grâce aux actions remarquées de l’AFCV, de nombreux médias continuent de relayer les informations à faire connaître à propos du vitiligo : les choses avancent à une vitesse remarquable !

Une récente étude internationale portant sur la qualité de vie et la santé mentale des personnes vivant avec le vitiligo, vient d’être publiée sur le JAMA Dermatology (Journal of the American Medical Association Dermatologie). Les résultats sont alarmants en ce qui concerne plusieurs aspects de la vie des malades… Nous développons les principaux enseignements de l’étude dans cet article.
Etude VALIANT Study – (Vitiligo and Life Impact Among International Communities), publiée en ligne le 30 août 2023 :
https://jamanetwork.com/journals/jamadermatology/fullarticle/2808976
par Kristen Bibeau, PhD, MSPH; Khaled Ezzedine, MD, PhD, John E. Harris, MD, PhD; Nanja van Geel, MD, PhD ; et coll.
Fardeau de la maladie : des chiffres qui parlent et qui alarment
L’étude, réalisée entre mai et juin 2021, a rassemblé plus de 3 500 malades (femmes et hommes de plus de 18 ans, venant de 17 pays, des différents continents). Plusieurs membres de l’association internationale VIPOC (Vitiligo International Patient Organizations Committee) ont participé à cette enquête.
Plus de 40% des personnes interrogées estiment que le vitiligo influence fortement leur santé émotionnelle, affectant leur estime de soi, leurs relations personnelles et leur cheminement professionnel. Les activités quotidiennes comme le choix des vêtements, la participation à des réunions sociales, des activités sportives, deviennent stressantes. Les rencontres avec d’autres personnes (de la poignée de main à la relation intime), sont aussi source de stress et vécues difficilement, voire totalement refusées.
Par ailleurs, près de 60% de ces malades souhaitent cacher leur vitiligo avec du maquillage ou des vêtements couvrants, plus particulièrement les personnes dont le vitiligo touche plus de 5% de leur surface corporelle. Enfin, près de 50% de ces personnes pensent que « personne ne comprend ce que c’est que de vivre avec le vitiligo ».

La santé mentale aussi affectée
En plus de cette perte de confiance en soi, de cette qualité de vie affectée au quotidien, plus de la moitié de malades (59,4% soit 2078 sur 3541) ont reconnu avoir été diagnostiqués victimes de troubles de santé mentale : l’anxiété en première place (30%), suivie par la dépression (25%). Les plus hauts pourcentages étant signalés chez les personnes avec la peau type IV ou V (peau foncée), particulièrement les personnes originaires d’Inde, et plus généralement chez les malades ayant plus de 5% de leur surface corporelle dépigmentée et/ou avec des lésions sur les mains ou le visage.
Ces révélations soulignent l’urgence de considérer les conséquences émotionnelles et sociales du vitiligo et d’intensifier les efforts pour diminuer ce fardeau. Cela signifie, notamment, écouter et mieux comprendre le ressenti des malades, éduquer les professionnels de santé notamment dans les pays où ce fardeau pèse encore plus lourd.
L’impact du vitiligo sur la qualité de vie et la santé mentale des malades, encore trop souvent minimisé, est très fort et mérite plus qu’une attention : une réelle prise en compte dans l’offre de soins proposée aux malades.

À SUIVRE AUSSI :
Participez à la Cohorte ComPaRe Vitiligo (« Communauté de Patients pour la Recherche »), une étude au long cours qui rassemble des milliers de patient·es, qui observe le point de vue des malades pour améliorer la qualité de vie et les soins qui leur sont apportés.
Le 29 juin dernier, l’Association Franco-Congolaise du Vitiligo (AFCV) a organisé un événement haut en couleurs, pour mieux faire connaître la maladie et apporter de l’espoir aux personnes concernées en République Démocratique du Congo.
Photos : AFCV – Piga.cf
Plaidoyer pour le vitiligo
L’événement s’est déroulé le 29 juin 2023 au bord du majestueux fleuve Congo à Kinshasa, plus précisément dans les locaux du Fleuve Congo Hôtel. Des conférences ont permis de développer des informations claires pour expliquer ce qu’est le vitiligo, ainsi que les traitements existant à travers le monde. Une démonstration de quelques moyens de traitement (notamment par rayons UV) a pu être présentée par ailleurs.
Le témoignage du Dr Freddy Banza, porteur du vitiligo depuis 15 ans, a permis de mettre des mots sur le point de vue d’un malade, son vécu et ses difficultés. Enfin, un défilé haute couture a permis de présenter, sur un podium, la façon dont le vitiligo peut être valorisé et se mêler aux couleurs de la mode. Des personnalités importantes ont pu assister à cette journée et les retours se sont montrés très positifs.

Huguette Kalenga Fabiola, Présidente de l’Association Franco-Congolaise du Vitiligo mais aussi mannequin (qui était présente lors de nos Rencontres Annuelles 2023), a mené cet événement d’une main de maître, épaulée par l’équipe de bénévoles et ses partenaires. Bravo à eux ! A travers cet événement, l’AFCV peut en effet se targuer d’avoir ainsi démontré aux malades, mais aussi aux médias présents sur place, que le vitiligo se soigne et qu’il est possible d’envisager un regard positif vers le futur.


Une journée à fort impact
L’événement a aussi revêtu un aspect très symbolique, puisqu’il a eu lieu à quelques heures de la célébration du 63e anniversaire de l’indépendance de la République Démocratique du Congo ! Les malades du vitiligo ont donc pu se sentir portés par un air d’indépendance et de libération, notamment en ce qui concerne les préjugés et la stigmatisation. En effet, les personnes concernées par le vitiligo ont trop souvent été perçus comme l’objet d’un mauvais sort et discriminées.
L’AFCV porte maintenant son regard vers une meilleure reconnaissance de la maladie dans le pays, à travers « l’inscription de cette pathologie sur le répertoire des maladies reconnues par le ministère de la santé et le ministère des personnes vivant avec handicap et vulnérables » comme le précise Huguette Kalenga Fabiola, Présidente de l’association. Tout ceci étant bien sûr orienté vers un objectif de prise en charge de la maladie en République Démocratique du Congo, par les traitements qui ont déjà prouvé leur efficacité et sont déjà disponibles dans certains pays.
Les étapes se franchissent à grande vitesse pour l’AFCV, et nous leur apportons encore une fois tout notre soutien.

Dans le cadre de la journée Mondiale du Vitiligo (à l’initiative de VIPOC « Vitiligo International Patients Organization Committee », et plus particulièrement de Jean-Marie Meurant, son Vice-Président), une conférence a réuni pour la première fois une dizaine d’associations européennes, à Bruxelles durant 3 jours (du 23 au 26 juin). Au programme : communications des chercheurs sur les études, résultats, nouveaux traitements, et rendez-vous avec les Membres du Parlement Européen, membres des Comités Santé au sein du Parlement.

Un programme soutenu pour le vitiligo !
Les deux premiers jours, conférences et travaux de groupe avec les représentants des associations (France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Serbie, Suisse, Macédoine, Suède), étaient animés par les membres du conseil d‘administration de VIPOC : Jean-Marie Meurant (France), Nicolle Maquignon (France), Georg Pliszewski (Allemagne) et Paul Monteiro (Netherlands).
Beaucoup d’échanges riches, chaleureux, informatifs, ont laissé apparaître à la fois des similarités quant au vécu des malades du vitiligo, leurs difficultés et leurs attentes, mais également de grandes différences. Par exemple, des inégalités existent selon les pays européens en ce qui concerne les traitements existants, l’accès aux nouveaux médicaments, voire même la reconnaissance du vitiligo en tant que maladie (et non pas simplement un préjudice cosmétique) !
Sur la photo, représentants d’associations et chercheurs (de gauche à droite) : Jean-Marie (France), Boba (Serbie), Jolien (Belgique), Natasa (Macédoine), Paul (Pays-Bas), Marcel (Pays-Bas), Nicolle (France), Rodolfo (Espagne), Ana (Espagne), Cornelia (Suisse), Nanja (Belgique), Georg (Allemagne), Mirjam (Suède), Catherine (Royaume Uni). Et en visio : Gaone (Afrique du Sud), Steve (USA), Martine (France)

Une troisième journée de réunion était consacrée aux présentations des chercheurs, en présentiel et en virtuel. Merci à celles et ceux qui, encore une fois, ont partagé leur savoir et montré leur total engagement envers les associations de patients (détail en fin d’article).

Entretiens avec des représentants européens (Agences et Parlementaires)
• MHE (Mental Health Europe) – Fatima Awil, Policy and Knowledge Officer, et EPF (European Patients Forum) – Claudia Louati, Head of Policy
Alors que la Commission s’engage dans un plan stratégique pour la Santé mentale, notre entretien s’est avéré très convaincant et notre collaboration vivement encouragée dans ce contexte. En ce qui concerne l’EPF, la participation des patients atteints de vitiligo dans les panels « Patients » de ce forum sera un véritable atout en matière de plaidoyer et de sensibilisation au niveau européen, avec des répercussions au niveau national.
• The Parliament – Daniel Bond, Directeur de Publication (magazine destiné en priorité aux professionnels et décideurs politiques, membres du Parlement)
Dans le cadre des nouvelles politiques de la Commission européenne relatives à la pharma-industrie et son incitation à un égal accès aux médicaments, à la mise en place du programme Santé Mentale, notre interlocuteur s’est montré très sensible à nos arguments, considérant pertinent la publication d’un article sur le vitiligo et les problèmes qui l’accompagnent.
• MEP (Members of European Parliament)
Conscients des enjeux et de la nature de notre requête, au nom des patients souffrant du vitiligo, c’est avec une certaine émotion que, munis de notre badge, nous avons franchi les sas du Parlement Européen (Jean-Marie Meurant, Nicolle Maquignon et Georg Pliszwesky) ! Nous étions attendus par les représentants de Mme Elisebetta de Blasis (MEP – Italie), Mr Casares (MEP – Espagne), ainsi que Mr Istvan Ujhelyi (MEP – Hongrie) et son assistant.

Nos interlocuteur·ices, membres de comités Santé au sein du Parlement, ont montré beaucoup d’intérêt envers nos plaidoyers, à nos informations sur la maladie, et son impact psychologique très souvent mal connu ou minimisé. Une grande écoute, et pour certains d’entre eux qui avaient approché cette maladie (famille, amis), beaucoup d’empathie et de compréhension. Ces représentants ont été à la fois touchés et alertés par les difficultés rencontrées par les malades du vitiligo. Des pistes vers des groupes de travail (Forum Patients) ou des fonds européens (HaDEA – European Health and Digital Executive Agency) nous ont été recommandées.
ET DÉJÀ, UN GRAND PAS !
Nous pouvons d’ores et déjà annoncer que notre intervention auprès de ces Parlementaires fera l’objet d’une question écrite portant sur « l’accès égalitaire aux médicaments dédiés au vitiligo dans tous les pays membres de l’UE ». Elle sera adressée par Mme Elisebetta de Blasis, Député européen (Italie), aux membres de la Commission, représentants des 27 pays de l’UE.
Les questions écrites des Parlementaires européens portent sur des sujets sociétaux et/ou d’actualité (transport, drogue, alimentation…), et sont adressées aux membres de la Commission européenne, de manière à alerter, informer, « faire pression », soumettre à débat des situations particulières.
Cette première intervention politique, au niveau européen, est d’une grande portée pour la reconnaissance des malades du vitiligo, leur donnant une voix qui sera aussi entendue au niveau national. En effet, ce sera la première fois que ces sujets de l’accès aux soins, du remboursement des médicaments et de la prise en charge des impacts psychologiques causés par le vitiligo, seront abordés de manière officielle auprès de la Commission, qui gère la vie de 450 millions d’Européens.

Intervenants et chercheurs de cette édition 2023 (en présentiel ou visioconférence)
Maria Dutarte, Executive Director – EUPATI (European Patients Academy on Therapeutic Innovation)
Pr Julien Senechal – Vitiligo Task Force, Vitiligo Task Force, Pediatric and adult dermatology Dpt, Head of the Inflammatory and Autoimmune Dermatology Unit, Skin rare disease center, Reference Center for Rare Skin Diseases, CNRS UMR 5164 ImmunoConCept – Bordeaux (France)
- All Colors, All Skins, All Dermatoses – Burden of visible skin diseases: Results from a large international survey Vitiligo abstract
- Vitiligo physiopathology and new discoveries
Helène Ghienne, Pharmacist Pierre Fabre Patient Centricity dept
- Vitiligo virtual experience « How would you feel »
Pr Khaled Ezzedine – Department of Dermatology, Hopital Henri Mondor and University Paris-Est, Créteil, EpiDemiE – Epidemiology in Dermatology and Evaluation of Therapeutics
- Psychological impact of vitiligo – Dark face of whiteness
Pr Nanja Van Geel – Vitiligo Task Force, Universitair Ziekenhuis – Gent (Belgium)
- Vital project presentation and patient involvement and Q&A session – Vital focus group
Pr Meri Tulic , Director of Research INSERM U1065, C3M (Team 12) France
- House-Dust-Mite in Vitiligo Skin
Pr Marcel Bekkenk – Professor dermatology, Amsterdam University Medical Center Amsterdam (Netherlands)
- Phototherapy or phototherapies? Home phototherapy an issue or a chance for patients? How to manage?
Pr Thierry Passeron – University Hospital of Nice. Department of Dermatology & INSERM U1065, team 12, C3M – Nice (France)
- Ruxolitinib
A l’occasion de la Journée Mondiale du Vitiligo, célébrée chaque année le 25 juin, l’organisation internationale VIPOC (Vitiligo International Patients Organization Committee) organise une rencontre avec les responsables des associations européennes du vitiligo. L’événement aura lieu à Bruxelles, du 23 au 26 juin 2023, et sera suivi d’un rendez-vous avec les responsables santé de l’Union Européenne. C’est une toute première !
L’Europe se réunit autour du vitiligo
Cette première rencontre des associations européennes du vitiligo est initiée à un moment clé pour l’avenir du vitiligo, puisqu’un médicament qui soigne le vitiligo arrive bientôt en Europe…
Basée sur la molécule « Ruxolitinib », la crème sera en effet commercialisée dans la plupart des pays membres par le laboratoire Incyte sous le nom de « Opzelura », si les commissions en charge de la validation de ce dossier autorisent en effet sa mise sur le marché. Mais si cela va conforter les grands espoirs des malades, le sujet soulève aussi de nombreuses questions relatives à son accès, son utilisation, sa prise en charge, etc.
Photo : AdobeStock

L’événement prévu à Bruxelles permettra donc d’offrir à toutes les associations européennes du vitiligo un même niveau d’information. Des groupes de travail seront organisés autour des problématiques actuelles du vitiligo, afin d’apporter des réponses et de défendre avec vigilance les intérêts des malades, en fonction des spécificités de chaque pays concerné.
Par la suite, le rendez-vous avec les représentants des Services Santé de l’Union Européenne permettra de mieux faire connaître ces associations et leurs liens avec les instances concernées, et renforcera leur visibilité au sein de l’UE.
Photo : Unsplash

En juin 2021, l’Association Française du Vitiligo était contactée par Madame Huguette Kalenga Fabiola, de nationalité Congolaise et vivant en République Démocratique du Congo. Concernée par le vitiligo, elle est aussi très sensible aux problèmes que rencontrent toutes les personnes qui en souffrent, et souhaitait alors créer une association afin d’apporter soutien, réconfort, informer, se mobiliser pour cette même cause.
Sans aucune hésitation, la réponse de l’Association Française du Vitiligo ne se fait pas attendre, et accepte d’apporter son aide. Après de nombreux échanges, conseils, encouragements, l’Association Franco-Congolaise du Vitiligo (AFCV) a vu le jour, en décembre 2021 et est devenue en même temps membre de VIPOC (Vitiligo International Patients Organization Committee).

Une fabuleuse énergie déployée pour le vitiligo
Depuis un peu plus d’un an, Huguette Kalenga Fabiola (Présidente de l’AFCV) et les membres de son association, ont réalisé plusieurs actions de sensibilisation à Kinshasa ; notamment une conférence de presse dans les locaux du ministère de la Santé Publique du Haut-Katanga, en présence du Dr François Kapamba (Directeur chef de division du ministère de la Santé Publique), de médecins dermatologues, cliniciens de la province de Lubumbashi, et de nombreux médias (TV, radios, presse).
Cette conférence de presse a permis d’informer sur le vitiligo et les discriminations dont souffrent les malades. L’AFCV a aussi fait part de son souhait d’obtenir les autorisations nécessaires à l’accès au nouveau traitement Ruxolinitib, récemment approuvé par la FDA pour les Etats-Unis.

De plus, l’AFCV a lancé officiellement son projet d’identification des personnes atteintes du vitiligo en République Démocratique du Congo, afin que la maladie soit inscrite dans le répertoire des pathologies reconnues par le Ministère de la Santé Publique. Elle milite également pour la création d’un laboratoire spécifiquement dédié aux examens dermatologiques.
En matière de communication, l’AFCV étudie de nouveaux concepts artistiques tels que la musique ou l’art graphique, afin d’améliorer ses campagnes et ses outils. Ainsi, l’association a récemment révélé des mascottes sous les traits d’un couple de super héros (voir image ci-dessous) !
Un flashmob a eu lieu au rond-point des Huileries à Kinshasa (l’un des carrefours les plus fréquentés de la capitale, voir photo ci-contre) ce 14 janvier 2023, avec la participation de plusieurs personnes malades rassemblées autour de l’accroche « Je suis vitiligieux, je brise le silence ».

Un grand bravo à l’AFCV, pour sa force et sa combativité ! Nous restons à ses côtés et ne manquerons pas de vous informer de leurs actions !
Le Vitiligo International Symposium (VIS) s’est tenu du 9 au 11 décembre dernier à Bangalore (Inde), et Nicolle, une des membres du Bureau de l’Association Française du Vitiligo a pu y participer ! Elle nous offre un résumé de cet événement international, organisé par la Global Vitiligo Foundation (GVF), qui a réuni près de 200 personnes : médecins, laboratoires, chercheurs, dermatologistes, les plus grands experts du vitiligo, venus du monde entier.

L’édition 2022 avait pour thème central : “Unloading the burden of vitiligo” (« Soulager le fardeau du vitiligo »). Les malades étaient représentés par les membres de VIPOC (Dr Maya Tulpule pour l’Inde, Stephen Taylor pour les USA, Gaone Matewa pour l’Afrique du Sud et Nicolle Maquignon pour la France), qui ont eu l’opportunité de présenter leurs différentes associations en session spéciale, mais aussi leurs réalisations et leurs attentes. Ils ont également eu le privilège d’accéder aux communications scientifiques, sans oublier les échanges formels et informels, avec les participants pendant ces 3 journées !


Les communications scientifiques de VIS 2022
La complexité de la physiopathologie de la maladie a été soulignée, impliquant les aspects génétiques, l’auto-immunité, les facteurs environnementaux, ou encore le stress oxydatif (Dr Hamzavi, Parsad, Dr Esmat).
Les communications scientifiques ont, entre autres, abordé également :
- les comorbidités, et notamment ce qui concerne la thyroïde (Dr Benzekri, Maroc),
- le risque du cancer, moins élevé chez les personnes atteintes de vitiligo (Dr Singh, Inde),
- l’importance du facteur psychologique (R. Carafello, Angleterre),
- la correspondance des zones atteintes de vitiligo segmentaire et le trajet sous cutané des vaisseaux artériels superficiels (Dr Gauthier),
- le traitement par photothérapie (Dr Narayan, Pays-Bas),
- les différents outils de mesure de l’évolution de la maladie (“Vitiligo Disease Activity Score” ou VIDA, “Vitiligo Signs Activity Score” ou VSAS, “Vitiligo Extent Scores” ou VES) (Dr R Mogawer, Egypte).
Visitez le site de la Global Vitiligo Foundation
pour en lire plus (articles et travaux scientifiques) !


Actualités internationales des différents traitements du vitiligo
Les avancées notables en matière de recherche sur le traitement du vitiligo ont été au centre de nombreuses communications, concrétisant des espoirs depuis longtemps exprimés. C’est le cas en particulier des inhibiteurs de JAK, qui constituent aujourd’hui une promesse bien réelle : le traitement topique ”Ruxolitinib” (Jak1/Jak2), récemment approuvé par la FDA pour les Etats-Unis (qui en fait le seul traitement spécifique pour le vitiligo à ce jour).
Les résultats des différents essais cliniques révèlent sa bonne efficacité sur toutes les parties du corps, y compris les pieds et les mains, souvent plus difficiles à repigmenter. Pr Passeron (ci-contre, membre de notre Comité Scientifique) a rappelé dans sa communication qu’il peut être utilisé seul ou, mieux, associé à la photothérapie pour un bénéfice optimal.

D’autres traitements en cours d’étude ont été présentés :
- Traitements topiques : Tofacitinib, Cerdulatinib, Cerdulatinib,
- Traitements systémiques : Ritlecitinib (Pfizer), Baricitinib, Baricitinib, Brepocitinib
Des études plus spécifiques portant sur les pieds et les mains sont aussi en cours, menées par le Pr Hyun Jeong Ju (Corée) et le Dr Yasmin Tawfik (Egypte). Il a été rappelé que d’autres formes de traitements sont également possibles (laser, greffes…) en fonction de la spécificité du vitiligo et de l’attente du malade.
La totale dépigmentation est aussi présentée comme une solution, qui doit être très prudemment envisagée et exige que le malade soit très bien informé de sa réalisation et de ses conséquences (D M Abdallah, Egypte). Enfin, les médecines alternatives et l’apport en vitamine D ont également fait l’objet de communications (Pr Grimes, Etats-Unis).
Le fardeau du vitiligo, thème central de ce VIS 2022
Les prises de parole des Dr Parsad, Dr Pandya et Dr Hamzavi ont ouvert la discussion concernant le fardeau dont souffrent les personnes atteintes de vitiligo. Son impact sur la qualité de vie des malades mais aussi celle de leurs proches (parents, frères et sœurs, amis…), sur sa vie professionnelle, amoureuse ne peut plus être négligé et doit faire l’objet d’une prise en charge spécifique.
Des constats amers, à propos de ces « taches blanches qui affectent l’âme » (Dr Hamzavi) :
La manque de confiance et de sensibilisation/d’information, tant chez les malades que chez les médecins, résulte en des situations de grande frustration des médecins (près de 70 %) qui ne voient pas le traitement proposé aboutir, et frustration des malades (près de de 50 %) qui ne suivent pas leurs traitements (trop longs, peu de résultats immédiats).
Par ailleurs, plus de 50 % des malades entendent lors de leur consultation qu’il n’y a « rien à faire »… Et le poids économique du vitiligo n’est pas suffisamment évalué : hospitalisation dues aux comorbidités, santé mentale, coût du traitement et contraintes (exemple : la photothérapie nécessite des déplacements et du temps).
Quelques chiffres alertants :
71% des personnes s’inquiètent à propos de l’évolution de la maladie,
57% expriment un sentiment de honte,
55% sont tristes et dépressifs voire suicidaires, avec des comorbidités psychiatriques importantes,
25% manquent de confiance en eux.
Etudes épidémiologiques et création du "Global Vitiligo Atlas"
Lors d’un groupe de travail organisé par Pr Ezzedine (membre de notre Comité Scientifique), avec la participation des patients indiens présents lors du Symposium (dont certains, membres de l’association indienne Shweta) et les représentants de VIPOC, celui-ci a rappelé l’importance des études épidémiologiques, indispensables pour comprendre et évaluer le poids du fardeau et son impact sur les différentes populations touchées par la maladie, en tenant compte notamment de leur situation géographique (prévalence, stigmatisation dans certains pays, rejet… ).

En 2015, les critères retenus par les chercheurs pour évaluer l’efficacité des essais cliniques portaient sur trois points : la repigmentation, les effets indésirables et le maintien de cette repigmentation. D’autres critères ont été recommandés depuis (qualité de vie, évolution de la maladie…), mais les études montrent que ces derniers n’ont pas été toujours été pris en compte.
Le questionnaire « Qu’attendez-vous de votre traitement ? Quels résultats sont véritablement significatifs pour vous ? », distribué aux participants a permis d’appréhender la diversité de leurs attentes… pas toujours en accord avec celles des chercheurs. Et surtout, il a permis de constater l’unanimité quant à l’impact sur la qualité vie (la stigmatisation est très forte en Inde tout particulièrement).
Pour les chercheurs, il s’agit non seulement d’obtenir des résultats probants quant à l’efficacité clinique du traitement, mais également de prendre en compte le vécu des patients, leur ressenti et leurs attentes, pendant et à la suite de ce traitement.
Des enquêtes doivent être menées plus largement auprès des patients (enfants et adultes) et de leurs proches, afin d’obtenir un consensus sur une normalisation des mesures de résultats (Core outcomes set). L’objectif est de conduire à des études plus facilement exploitables par tous les chercheurs, essentielles aux décideurs politiques en matière de santé.
Le prochain Vitiligo International Symposium aura lieu au Caire (Egypte), en décembre 2024
Après avoir participé à la 3ème Conférence VIPOC (à Amsterdam en avril 2022), les laboratoires Incyte ont souhaité aller plus loin dans la collaboration avec les associations de malades du vitiligo. Ils ont donc organisé un groupe de travail nommé « Vitiligo European Advocacy Meeting » à Bruxelles les 16 et 17 septembre 2022, visant à faire un état des lieux et identifier des propositions de collaboration.
Etaient présents sur place et/ou en ligne : des personnes du laboratoire Incyte, de l’agence Real Chemistry (agence spécialisée dans la communication et le marketing dans le domaine de la santé), les représentants des associations VIPOC / Association Française du Vitiligo (Gaone Matewa, Nicolle Maquignon), espagnole (ASPAVIT) et néerlandaise (Paul Monteiro), ainsi que l’association allemande (Georg Plisweski).
Les objectifs de ce groupe de travail étaient principalement :
- Identifier et convenir de méthodes de travail appropriées avec les associations ou groupes de défense des patients atteints de vitiligo,
- Mettre en œuvre de stratégies de sensibilisation et d’éducation autour du vitiligo, basées sur les besoins exprimés par ces associations (création d’outils en direction des politiques et responsables services santé, mesure et prise en compte du fardeau du vitiligo sur le malade, ses proches, son environnement personnel et professionnel…)
- Faciliter la communication et les échanges entre les différents groupes ou associations de patients européens.

La santé au niveau européen
Les directives et règles de l’EFPIA (European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations) devant être respectées par l’industrie et les organisations de patients dans la mise en œuvre de leurs interactions, impliquent notamment de la transparence, le respect de l’autonomie des associations, et portent une attention particulière à toute forme d’influence inappropriée ou de conflit financier…
Les systèmes de santé européens et le processus d’évaluation de l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) sont très particuliers, depuis la phase de Recherche & Développement à la mise à disposition du médicament pour les patients. L’accès au marché européen est accordé après que les autorités de santé compétentes, telles que les organismes d’évaluation des technologies de la santé (HTA), aient validé le remboursement d’un médicament et défini son prix, à la suite de négociations avec les sociétés pharmaceutiques.
Enjeux de associations de malades et de l'industrie pharmaceutique
Si l’on retrouve quelques similarités dans le vécu des associations (réalisations, besoins, attentes, difficultés, projets, défis, ressources), ces dernières partagent aussi une similarité avec l’industrie pharmaceutique, notamment dans leurs objectifs. Et plus particulièrement en ce qui concerne l’amélioration de l’accès aux soins et aux thérapies innovantes, la prise en compte du fardeau, la reconnaissance de la maladie, l’éducation… Sur tous ces points, un travail conjoint entre laboratoire et association de malades peut être envisagé. D’ailleurs selon une enquête Accenture réalisée en 2019 auprès de 4 000 patients aux États-Unis et en Europe, 84% des patients pensent que les organisations de patients devraient travailler avec les sociétés pharmaceutiques.
Les associations sont aussi des partenaires importants dans le processus politique, et peuvent apporter leur contribution par le biais de groupes consultatifs de panels d’experts, au niveau national ou européen. La cause du psoriasis offre notamment un exemple de partenariat réussi, ayant permis : une résolution adoptée par l’OMS, le logo du ministère de la santé sur les campagnes de sensibilisation de l’association, la création d’un Livre Blanc distribué à plus de 7 500 dermatologues, des questions aux parlementaires européens…
Le véritable impact du vitiligo n’est pas pleinement reconnu ou compris
A l’occasion de cette rencontre, il est apparu que le véritable effet du vitiligo sur la vie des malades n’est pas pleinement reconnu ou compris. Et cela influence malheureusement la façon dont la maladie est traitée !
Par exemple (liste non exhaustive…), le vitiligo souffre du manque de couverture d’assurance (seul l’aspect « cosmétique » de la maladie est retenu), mais aussi de thérapies approuvées par l’EMA, ainsi que de données concernant la qualité de vie des malades, le fardeau que représente la dermatose, son impact psycho-social… Par ailleurs, les politiques dédiées au vitiligo aux niveaux européen et national sont absentes. De nombreuses fausses informations circulent sur la maladie ou les traitements, et les professionnels de santé manquent de contenus éducatifs. Les guidelines existantes sont également inadaptées ou peu suivies, la littérature sur les soins et les besoins du vitiligo manque de diversité de genre, raciale et ethnique… D’une façon plus générale, les malades sont encore trop souvent stigmatisés, et le rôle des proches (amis, famille…) trop souvent minimisé.

A l’issue de ce groupe de travail riche en échanges, différentes actions à mener ont pu être identifiées, telles que :
- Réaliser des entretiens ou enquêtes quantitatives et qualitatives avec les patients et leurs proches afin de récolter des données pertinentes pour la Recherche,
- Organiser des campagnes éducatives de sensibilisation,
- Prendre en compte les disparités sociales et ethniques des malades,
- Donner plus de place et d’écoute aux associations de patients dans les Congrès européens et internationaux,
- Montrer qu’il est urgent d’améliorer l’accès aux soins,
- Créer des campagnes éducatives et des outils de communications adaptés (vidéos, sites web…),
- Créer des registres de patients pour faciliter la collecte des données,
- Organiser l’European Vitiligo Day, avec la participation des associations européennes, et soutien des responsables Santé de l’UE.
Gageons que ces projets pourront se mettre en place dans un futur proche !
