La télé-expertise au service du vitiligo : l’exemple de La Réunion
À La Réunion, l’organisation autour de la télé-expertise permet un gain de temps précieux pour les patients comme pour les médecins. Un modèle efficace, présenté lors des Rencontres Annuelles du Vitiligo 2025.
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La Réunion : un territoire marqué par la diversité
Lors des Rencontres Annuelles du Vitiligo 2025, le Pr. Antoine Bertolotti (CHU Saint-Pierre, La Réunion) et le Pr. Julien Seneschal (CHU Bordeaux) ont partagé leur expérience sur l’organisation de la consultation vitiligo au CHU Site Sud de Saint-Pierre (voir la vidéo ci-contre).
Depuis son retour à La Réunion, le Pr. Bertolotti a constaté une prévalence importante du vitiligo sur l’île, qui compte environ 900 000 habitants. Tous les phototypes de peau y sont représentés, en raison d’un brassage ethnique historique (Europe, Afrique, Asie). Cela crée une grande variété d’expressions cliniques des maladies de peau, représentant un véritable défi dermatologique.
En parallèle, la question de l’accès aux soins dermatologiques reste cruciale. En métropole, les délais de rendez-vous peuvent atteindre plusieurs mois, alors que le vitiligo est ce qu’on peut appeler une “urgence thérapeutique” : plus un traitement est commencé tôt après l’apparition des zones dépigmentées, meilleurs seront les résultats.
À La Réunion, environ 25 à 30 dermatologues exercent dans le secteur public et libéral. Mais leur répartition reste inégale, concentrée surtout dans le nord-ouest et le sud. Pour faire face à cette réalité, le service du CHU Sud a mis en place une organisation hybride : la moitié des consultations sont programmées longtemps à l’avance, l’autre moitié est débloquée à la dernière minute, dans les 15 jours précédents, pour permettre de recevoir des cas urgents rapidement.
Photo : l’équipe dermatologique du CHU Saint-Pierre, La Réunion

Télé-expertise : une solution concrète et pédagogique
L’un des leviers les plus efficaces mis en place est la télé-expertise : une plateforme qui permet à un médecin généraliste de solliciter l’avis d’un autre médecin (ici, un dermatologue – à ne pas confondre avec la téléconsultation, où un patient consulte directement un spécialiste), en envoyant un cas ou des photos.
Cette organisation fonctionne bien : sur les 1 000 médecins généralistes de l’île, 500 participent activement au réseau. Cela représente 25 à 30 demandes par jour au service du Pr. Bertolotti, prises en charge par une personne quasi dédiée à temps plein.
Les bénéfices sont multiples :
- Les médecins peuvent obtenir une réponse rapide et spécialisée,
- Les dermatologues transmettent des recommandations à jour, partagent des protocoles, et renforcent la qualité des soins sur l’ensemble du territoire,
- Chaque retour est aussi une occasion pédagogique, offrant une formation continue concrète à chaque médecin généraliste.
Environ la moitié des demandes traitées par télé-expertise génèrent ensuite une consultation spécialisée, ce qui permet de prioriser les cas les plus urgents.
Un point d’attention néanmoins : pour que ce système soit pleinement efficace, les médecins doivent être formés à envoyer des photos exploitables (bonne lumière, cadrage adapté, contraste visible, etc.), afin de permettre un avis dermatologique fiable et précis.

L’exemple réunionnais montre que la télé-expertise peut transformer l’accès aux soins en dermatologie, en particulier pour des maladies comme le vitiligo, où le facteur temps est déterminant. Mieux informés, mieux orientés, les patients peuvent bénéficier plus tôt des traitements adaptés. Une voie à suivre pour d’autres territoires confrontés à une démographie médicale tendue.